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Communiqués

18 novembre 2013

Discours de François-Charles Sirois au Cercle canadien de Montréal

Le 18 novembre 2013, François-Charles Sirois a prononcé une allocution sur le thème : Catalyser l’innovation en médias et technologies. En voici le texte :

Prendre le risque d’essayer

J’aimerais aborder mon sujet du jour, l’innovation, par une anecdote personnelle qui me fait beaucoup penser à l’état actuel de certaines entreprises envers l’innovation et surtout la prise de risque.

J’étais dans un restaurant chic de Los Angeles reconnu pour ses desserts exquis, partageant un bon repas avec des partenaires d’affaires. Quand vint le temps de choisir un de ces fameux desserts, je découvre en tête de liste : des crêpes !

Je fais des crêpes depuis au moins 25 ans et j’aime bien croire qu’elles sont excellentes. Afin de comparer, j’en commande au serveur. Après une visite en cuisine, celui-ci m’annonce qu’il n’y a pas de crêpes ce soir-là puisqu’il manque un ingrédient. Comme les crêpes ne nécessitent que trois ingrédients de base – des œufs, du lait et de la farine – je doute qu’il en manque vraiment un. Je demande donc la possibilité de parler au chef.

Pour ceux qui me connaissent, j’aime bien les défis, surtout lorsque je suis convaincu de gagner. Devant plusieurs clients qui tendent l’oreille, j’ai donc une bonne discussion avec le chef sur les crêpes. Malgré ma persévérance, il insiste : les autres desserts sont, selon lui, excellents. Je lance alors d’un ton très sérieux : « Compétition de crêpes, le chef contre moi, immédiatement en cuisine ». Cette proposition à un effet très rapide sur la clientèle du resto qui attend la réponse… Le chef, qui visiblement calcule l’impact sur sa crédibilité, accepte de retourner en cuisine pour voir ce qui pourrait être fait. Vingt minutes s’écoulent et voilà que quatre serveurs nous apportent tous les desserts du menu. Gracieuseté du chef. Tout y est, sauf les crêpes !

Je me suis questionné à savoir pourquoi le chef préférait faire tous les desserts gratuitement sur la liste plutôt que de faire une crêpe ? Il est vrai que si le mix des ingrédients n’est pas bon, les crêpes sont horribles. Est-ce qu’il mettait vraiment sa crédibilité et celle de son restaurant en jeu ? Quel était le risque d’essayer ?

Le résultat est simple : l’effort fut plus grand,  à un coût plus élevé, sans aucun bénéfice et sa clientèle, non satisfaite. En somme, je trouve qu’il a perdu une belle opportunité. Je n’ai jamais vu un restaurant où le chef se prête au jeu de la compétition de crêpes. À voir l’ambiance ce soir-là et l’engouement de la clientèle, le tout aurait pu être une première d’une série de plusieurs événements bénéfiques pour le restaurant. Mais on ne le saura jamais.

Peu importe l’innovation, la règle numéro un est de prendre le risque d’essayer.

Comme le chef, plusieurs entreprises vont préférer continuer dans la direction qui leur semble la plus familière même si cela implique plus de travail. Il est surprenant de constater à quel point les entrepreneurs qui innovent peuvent déstabiliser de grands groupes qui ne prendront même pas le risque d’essayer. Chez Telesystem,  la combinaison de trois ingrédients  sont à la base de nos plateformes internationales solides :

  1. l’innovation, qui permet le levier opérationnel,
  2. la masse (« scale ») qui est essentielle pour avoir un important impact financier et de marché; et
  3. les acquisitions internationales qui permettent une croissance très rapide.

Et évidemment, pour réaliser tous projets, les partenaires sont essentiels pour s’assurer du succès, peu importe la stratégie.

Il est possible de ne pas innover, mais un peu comme deux œufs et du lait font une omelette, il est intéressant de constater qu’avec un peu de farine, on peut faire dix crêpes. L’innovation est un levier très puissant qui permet, pour le même effort humain et financier, d’en faire dix fois plus.

Un brin d’histoire

L’innovation fait partie de notre ADN depuis le début et le levier technologique, quant à lui, a toujours constitué  la base des plateformes de notre groupe depuis 40 ans.

Mon grand-père, Simon, a fondé Setelco en 1972 qui est devenu Telesystem en 1984. À ses débuts, Setelco était un centre d’appels et de messagerie pour entreprises. Constamment à l’affût de nouvelles technologies, mon grand-père lança en 1974 le premier réseau de pagettes à Chicoutimi, ce qui eut un impact direct sur ses opérations et son levier opérationnel. La prise de messages manuelle fut remplacée par des abonnements à un service automatisé de téléavertisseurs. Cette plateforme a permis de desservir plus de clients, d’améliorer la qualité de service et d’augmenter la rentabilité pour le même effort.

Lorsque mon père a acquis Setelco en 1978, il n’y avait pas beaucoup de clients à l’extérieur de Chicoutimi, mais il y avait déjà une plateforme sur laquelle il pouvait miser. La combinaison du levier technologique et financier lui a permis de faire plus de 30 acquisitions et ainsi de consolider 65 % de l’industrie canadienne en moins de sept ans. Cette croissance, qui aurait été impossible à réaliser organiquement, a pu se concrétiser grâce aux  acquisitions réalisées durant cette période.

En 1992, avec l’aide de BCE, Telesystem a acheté Téléglobe, une entreprise très solide qui n’utilisait que 5 % de sa capacité. En se tournant vers les marchés internationaux, l’organisation s’est attaquée à un marché 50 fois plus grand avec un actif ayant un potentiel de croissance de quelque 2 000 % ! L’entreprise qui était déjà profitable le fut davantage avec la combinaison d’un réseau sous-utilisé, une expansion internationale majeure, et de nouvelles technologies de fibre optique qui lui permirent d’installer le premier câble internet entre les Amériques et l’Europe.

Sans même aller plus loin dans l’histoire, vous comprenez notre objectif de combiner l’innovation avec une entreprise solide pour ensuite y ajouter une bonne stratégie d’expansion internationale.

Se positionner 15 ans à l’avance

Pour effectuer de grands projets, il faut être dans de grandes industries. De 1972 à 2005, nous avons œuvré dans les télécoms, une industrie qui a connu une importante croissance planétaire. En 1995, réalisant notre surpondération dans cette industrie et le risque de devenir marginal sans valeur ajoutée, nous avons misé sur le contenu et les applications.

Entre 1995 et 2010, nous avons investi dans plus de 100 « start-ups » technologiques afin d’être de la partie une fois la vague arrivée. Et quelle vague ? Il y en a eu plusieurs et le défi était d’être à la bonne place au bon moment. C’est à partir des entreprises que nous avons créées, acquises et gérées durant ces années que nous définissions maintenant notre stratégie de croissance à long terme dans des domaines très ciblés, tels que la distribution de contenu numérique et l’analyse de données.

À partir de 2010, nous avons cessé notre implication dans le capital de risque mais nous appuyons toujours les organismes qui supportent les entrepreneurs en démarrage, tels qu’Anges Québec et La Maison Notman. Nombreux sont ceux qui nous demandent pourquoi nous avons quitté ce secteur. L’effort demandé pour appuyer une « start-up » par rapport au bénéfice et la valeur ajoutée de faire croître une entreprise déjà solidement établie par le biais de l’innovation et les acquisitions est incomparable.

Nous avons donc choisi de faire croître nos entreprises qui ont le plus de potentiel d’être de grands groupes en médias et technologies. Parallèlement, nous avons cofondé Tandem Expansion en 2010, un fonds de capital de croissance, effectuant ainsi une transition du capital de risque vers l’appui aux entreprises technologiques canadiennes d’importance. L’objectif de Tandem est de contribuer à établir et à garder au pays plus de leaders et de limiter les ventes d’entreprises à des intérêts étrangers.    Telesystem est aujourd’hui un holding en médias et technologies qui se concentre sur les partenariats stratégiques, le levier international et les acquisitions. Nous sommes spécialisés dans quatre axes de développement : la production et distribution de contenu numérique, l’analyse de données, l’innovation industrielle et le capital de croissance.

Je suis aussi très heureux de pouvoir compter sur mon cousin Denis qui s’occupe de nos entreprises spécialisées en technologies de l’information, et plus spécifiquement de l’analyse de données, un secteur dans lequel nous avons plusieurs entreprises clefs et qui connaîtra une croissance importante au cours des 5 à 10 prochaines années.

Malgré ses nombreuses responsabilités corporatives, j’ai réussi à garder mon père impliqué dans quelques-unes de nos entreprises en technologies industrielles, ce qui cadre bien d’ailleurs avec Pangea, son projet dans le domaine de l’agriculture. Il est aussi bien impliqué dans Tandem Expansion, qu’il a cofondé avec Brent Belzberg. Nous avons une très bonne dynamique d’entreprise familiale, chacun a ses responsabilités et nous comptons sur une équipe d’expérience qui a réalisé tous les types de transactions imaginables. Cela me permet donc de dédier la majorité de mon temps à notre secteur des médias et à ses nombreuses opportunités.   Un tsunami en médias et technologies

Dans les années 1990, Telesystem, à travers sa filiale TIW, a vécu une croissance spectaculaire grâce à son implication dans la construction de réseaux mobiles dans les pays en développement. L’infrastructure téléphonique de base étant inexistante, l’arrivée du téléphone mobile a représenté une révolution qui s’est traduite par des millions d’abonnés.

L’opportunité des années 1990 n’est rien à comparer avec celle des cinq prochaines années en médias et technologies. Il y a 1,3 milliard d’abonnés qui possèdent un téléphone intelligent avec accès à l’internet (Smartphone) dans le monde, dont 400 millions dans les pays en développement. D’ici 2019, il y en aura plus de 5,6 milliards, dont 4 milliards dans les pays en développement.

Quant au nombre d’abonnés à la TV payante, on passera le cap du milliard d’abonnés d’ici 2018. Nous en avons environ 10 millions au Canada, ce qui représente à peine 1% du marché mondial. Et tous ces abonnés mobile-internet-TV demanderont du contenu local, ce qui augmentera la taille du marché de la production contenu mondial de façon exponentielle. Le tout représente un tsunami d’opportunités qui aura un impact de masse sans précédent. De plus, la distribution de contenu numérique et les applications permettent la possibilité d’offrir la majorité des services sans infrastructure locale, réduisent de beaucoup les risques opérationnels et offrent une rentabilité importante malgré un faible revenu par abonné.

Telesystem Media

Notre focus en médias est principalement axé sur la production et distribution de contenu numérique. En travaillant avec les télédiffuseurs, les opérateurs de câble et les opérateurs mobiles à l’échelle mondiale, nos entreprises desservent présentement des millions d’abonnés.

Avec la musique comme ligne directrice, nous avons créé en 2012 une filiale, Telesystem Media, établie à Los Angeles. La mission de cette dernière est d’établir une relation directe avec l’industrie de la musique et des artistes de renommée internationale au profit de nos entreprises en médias.

Pour réaliser le projet et rassembler nos entreprises autour d’un objectif commun, nous avons ajouté à notre équipe un entrepreneur qui représente bien les valeurs de Telesystem, Frédéric Lavoie. Il est responsable de notre bureau et de notre équipe à Los Angeles. Nous avons aussi décidé d’établir des partenariats avec quelques agents d’artistes reconnus afin d’acquérir au sein du groupe une expertise plus spécifique ainsi que des liens plus étroits avec certains de ces artistes.

Le projet Telesystem Media est un mélange de vision et d’exécution, mais tous les éléments sont en place pour en faire un succès et un levier pour nos propres entreprises. Tout comme la majorité des succès de notre histoire, nous sommes proactifs et nous prenons le risque d’essayer de nouveaux concepts, même s’ils commencent à petite échelle.

« Monopoly » ou « Risk » ?

Chaque grande entreprise se doit de travailler avec des entrepreneurs innovateurs dans leur écosystème pour trouver leur prochain levier. Plus les entreprises sont grandes et matures, plus elles sont centrées sur leurs résultats et prennent de moins en moins de risque. Et cela est également vrai pour nos grandes entreprises médias au Canada qui bénéficient pourtant d’un climat économique et réglementaire exceptionnel.

Mais, pour une raison qui m’échappe, la majorité des groupes médias canadiens sont actifs uniquement au Canada. Leurs plus grands risques concernent surtout l’acquisition d’actifs déjà bien implantés qu’ils s’échangent à tour de rôle comme dans une partie de « Monopoly » où le jeu est limité au nombre de terrains sur la table… Les opportunités en médias internationaux sont beaucoup trop élevées pour se limiter au Canada. Il faut changer le jeu.

Quand on joue à « Risk » et qu’on a trop d’effectifs dans un pays, on doit envoyer des troupes dans les autres pays pour essayer de conquérir le monde. Chaque groupe média canadien devrait se développer un bras international et utiliser ses actifs solides localement pour bénéficier de l’énorme croissance des années à venir.

Je n’en parle pas pour critiquer mes collègues de l’industrie des médias mais bien pour que chacun réalise que l’opportunité se joue aujourd’hui pour les 5 prochaines années, et non plus tard. Je n’en parle pas non plus pour que chaque groupe média décide de se lancer en musique internationale. C’est le créneau que nous avons choisi, il y en a évidemment plusieurs autres. Chaque actif média canadien peut être exploité à l’international. Adoptez un entrepreneur

Ceci n’est pas un nouveau programme de l’UNICEF mais une image dont j’aimerais que chacun se souvienne lorsque vous croiserez un entrepreneur qui a besoin de vous.  Autant nos groupes médias canadiens doivent viser le monde, autant la responsabilité de créer et d’établir des partenariats avec nos entrepreneurs et, éventuellement, de créer de nouveaux siège sociaux d’importances au Canada revient aux institutions, à nos grandes entreprises et non à nos entrepreneurs ! Voici pourquoi.

J’ai lu un article récemment qui traitait d’un entrepreneur qui avait la solution parfaite pour une grande entreprise. Après huit rencontres avec différents intervenants et près d’un an plus tard, il n’avait toujours pas réussi à parler à la bonne personne dans l’organisation (même si clairement, c’était la solution dont cette entreprise avait besoin).

Plusieurs de nos grandes entreprises voient les petits projets d’entrepreneurs comme une diversion non matérielle ou, pire, une menace potentielle à l’un de leur service déjà rentable. Je crois fortement que la grande entreprise peut gagner beaucoup à développer un projet novateur à l’extérieur de ses murs.

À l’opposé, j’ai vu beaucoup trop de beaux projets qui sont développés mais qui ne réussissent pas à percer l’industrie ou à être implantés dans la grande entreprise qui en bénéficierait rapidement.

La grande entreprise qui fait le geste de donner un contrat, de financer une commande, de démarrer un projet-pilote, de partager ses clients, de promouvoir leurs idées, etc., aide directement l’entrepreneur à prospérer et gagne une opportunité de développer une nouvelle plateforme ou un partenariat axé sur des nouvelles idées et façons de faire !

C’est pourquoi je suis convaincu que si vous êtes président, vice-président, directeur, employé d’une grande entreprise, vous devez adopter un entrepreneur de votre industrie.

Le risque de l’entrepreneur

J’aimerais maintenant aborder un élément crucial qui a un impact direct sur la création de grandes entreprises : le risque de l’entrepreneur.

Présentement, un entrepreneur qui démarre se voit offrir peu d’options de financement. Le plus souvent, il doit se tourner vers les fonds de capital de risque. En investissant, ces fonds sont au premier rang sur tout ce que l’entrepreneur construit, peu importe le nombre d’années et le capital investi. Tout ce que l’entrepreneur a créé est donc à risque.

De plus, la majorité des petites entreprises n’ont pas le réflexe de penser à faire des acquisitions ou même de prévoir quelles entreprises acheter et quand. Le dosage entre l’innovation et les acquisitions est très sensible. Dès les débuts de la vie d’une entreprise, on doit planifier les acquisitions à réaliser et les inclure dans son plan. Beaucoup d’entrepreneurs attendent trop tard pour prévoir leurs acquisitions et sont confrontés à un manque d’argent critique à l’entreprise.

Ils augmentent  encore plus leur risque en prenant la responsabilité de prouver le succès technologique de leur innovation et d’en faire ensuite un succès commercial avec trop peu d’argent. La résultante est qu’à la moindre offre d’achat reçue, l’entrepreneur réévalue son risque personnel et fait face à la pression de ses investisseurs qui eux souhaitent vendre.

À chaque fois que quelqu’un veut acheter une de nos entreprises, je m’interroge si on doit l’acheter en premier. Il faudrait que les entrepreneurs canadiens et les institutions qui les supportent aient le réflexe de se poser cette question.

Il faut être en position de force dans son marché local pour faire des acquisitions à l’étranger, soit avec un partenaire solide ou être profitable et en contrôle. De plus, il faut savoir exactement où les synergies opérationnelles se trouvent pour ne pas « s’acheter » des problèmes, d’où l’importance de la plateforme et du focus. Mais plusieurs entrepreneurs sont dans cette situation et décident de vendre quand même.

Nous devons réaliser que le risque pour l’entrepreneur n’est pas le même que pour l’institution qui investit. Il est normal qu’un entrepreneur demande à la fois des capitaux pour acheter une entreprise à l’étranger et souhaite vendre en secondaire une part de ses actions afin de réduire son risque personnel et de bien se concentrer sur le défi d’intégration qui l’attend.

Lorsque vient le temps de faire une transaction, il faut absolument que nos institutions financent nos entreprises. On mentionne souvent l’importance d’attendre la bonne opportunité au bon moment, mais lorsque c’est le temps de réaliser une acquisition, il faut bouger vite et parfois très vite, et nos institutions se doivent d’être à la table.

Le soutien des grandes entreprises pour les entrepreneurs qui désirent faire des acquisitions et créer un siège social d’envergure est essentiel tout comme ce le fut plusieurs fois pour nous. À ce compte, j’aimerais remercier spécialement la Banque Nationale qui a toujours supporté Telesystem. Elle est la première institution qui nous a permis de faire les nombreuses acquisitions dans les années 1980 et nous appuie toujours aujourd’hui dans plusieurs de nos entreprises. J’aimerais aussi remercier BMO, qui nous supporte avec la BN dans Stingray Digital et le Fonds de solidarité FTQ et Investissement Québec pour nous avoir appuyé lors de la dernière tentative d’acquisition de Stingray aux États-Unis. Finalement, puisque je parle de Stingray, je dois remercier Novacap qui est un excellent partenaire et Eric Boyko, notre « super » entrepreneur «go go go».

Pour tous nos autres partenaires et entrepreneurs, vous comprenez que je ne peux pas faire un remerciement personnalisé pour chacun de vous, mais sachez que nous vous sommes extrêmement reconnaissants.

Construire à partir de Montréal

Je me rappelle être dans le bureau de mon père au milieu des années 1990. Un entrepreneur de l’époque, Serge Godin, l’appelle pour finaliser l’achat d’un groupe informatique en assurance détenu par Téléglobe, soit une transaction d’environ 150 M$. En raccrochant, mon père m’explique que l’activité en question n’était plus du tout stratégique pour Téléglobe mais que pour Serge c’est important. C’était probablement un très gros « deal » pour CGI à cette époque. CGI fait aujourd’hui des acquisitions dans les milliards de dollars et les retombées économiques annuelles sont probablement beaucoup plus élevées que la transaction de 150 M$ des années 1990.

Quel serait l’impact pour le Québec si alors aucune institution n’avait financé Serge et CGI ? En 1995, on aurait probablement positionné le tout comme une excellente nouvelle – CGI vendue à profit. Et pourtant aujourd’hui, on peut tous comprendre les retombées économique d’avoir CGI au Québec.

Ce mois-ci, quatre entreprises de technologies québécoises ont été vendues (IBwave, Créaforme, iWeb et PCO innovation). Je ne blâme pas les entrepreneurs de vendre, je trouve même qu’ils ont fait un excellent travail. Mais y a-t-il une de ces entreprises qui aurait pu devenir un siège social technologique d’importance ? Y a-t-il au moins un groupe qui a offert d’investir et de les garder au Québec ?

À part CGI, quelles sont les entreprises canadiennes en médias et technologies qui ont un rayonnement mondial et qui ont fait l’acquisition de compétiteurs étrangers ? J’ai consulté QG100, un regroupement des 100 plus grandes entreprises québécoises à l’international dont nous sommes membres fondateurs et après réflexion, il n’a pas vraiment d’autre grands joueurs, du moins au Québec. Dans une ville où l’on se vante d’avoir l’un des meilleurs bassins de ressources technologiques et multimédia, on se doit d’avoir plus d’entreprises canadiennes…

D’ici 2020, donnons-nous l’objectif d’ajouter au moins six entreprises d’envergure internationale basées à Montréal, au Québec, au Canada, tous clairement supportées par nos institutions et nos grandes entreprises canadiennes.

Prenez le risque d’essayer,  visez l’international, appuyez nos entrepreneurs et donnez-leur le goût de ne pas vendre leur entreprise. Dans tous les cas, c’est ce que nous ferons, tout comme nous le faisons depuis 40 ans.

Et n’ayez aucun doute, Telesystem comprend trop bien la valeur du «Risk » pour se limiter au « Monopoly » !

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